les réponses! les réponses!


Une seule réponse... mais comme ma boîte mail a été pleine de 8h00 à 9h00, je veux bien croire que les 58 membres de spécialité ont répondu en masse pendant ce créneau. (Avec 20 connexions au post, c'est compliqué, mais peut-être êtes vous tous confinés ensemble, veinards?)

bon, dans le doute, et comme de toutes façons je l'avais écrit, voilà le post de réponse:


La figure de montage commune à ces trois films de la nouvelle vague est le jump cut!


Petit cadeau en temps de crise: puisque vous êtes, par l'esprit et du fait des circonstances, de vrais MODERNES, vous allez pouvoir vous affranchir de toutes les règles du montage classique qui risquaient de vous freiner pour votre autoportrait confiné. Alors, dans ma grande bonté, je vous offre ce magnifique cadeau: la possibilité de passer outre.

Mais attention!

le jump cut a ses règles!
si vous êtes face à la caméra dans la même position, et que vous ne bougez pas, c'est une erreur de montage.

Je vous laisse méditer cette analyse:

Jean-Luc Godard démontre que le plan sur plan (traduction de "jump cut") peut être autre chose qu’une erreur ou un truquage, et constituer tout simplement un effet de style. Plusieurs séquences sont ainsi tournées pour cette démonstration, et notamment celle où Patricia est véhiculée par Michel à travers Paris, qui porte atteinte à deux règles : la nécessité du champ-contrechamp dans une section dialoguée, et l’incontournable utilisation de plusieurs plans aux divers cadrages pour décrire tout déplacement géographique. En effet, dans cette célèbre séquence, Michel parle avec abondance, et la caméra ne le découvre jamais (sinon au début et en fin de séquence) : il est toujours en off, et la caméra reste obstinément fixée sur Patricia qui pourtant ne dit rien, ou presque. « La circulation automobile, le décor urbain et Patricia elle-même, sont filmés en plusieurs lieux du parcours et rassemblés cut plan sur plan. Les changements de rues, pourtant visibles derrière Jean Seberg – on compte douze parties distinctes dans ce plan sur Patricia – ne produisent aucun effet d’ellipse spatiale, c’est-à-dire de coupure dans l’espace, le fait que la voiture se déplace à travers Paris est accessoire. En revanche, Patricia, assise dans la voiture dont on voit une partie du pare-brise et le haut de la portière droite, elle, change par coupure de temps, le plan sur plan produit des sautes dans ses attitudes. C’est ce que retient le spectateur. »
Le peu de réponse de Patrica, proche du mutisme, renforce ce temps qui s’allonge en désordre, provoquant dans l’esprit du public la certitude que ce couple est mal assorti, et de toute évidence insincère. Cette séquence fondamentale explique par la suite la trahison de la jeune Américaine, et l’insulte que lui envoie Michel à sa mort : « T’es vraiment une dégueulasse. »

Le raccord en plan sur plan est donc apparu comme effet de style avec Jean-Luc Godard dans À bout de souffle où le réalisateur « reprend la problématique des actions parallèles, qui est la base de la construction dramatique au cinéma, c’est-à-dire quand la réalité est morcelée dans son espace tout en gardant son unité narrative temporelle. Il veut prouver qu’il existe une problématique complémentaire, une façon de construire qui morcèle la réalité dans sa durée tout en lui gardant son unité narrative spatiale. Autrement dit, il démontre, par l’utilisation du plan sur plan, que l’ellipse spatiale est bien distincte de l’ellipse temporelle ».
En brisant le tabou qui faisait du plan sur plan une erreur de raccord, Godard a ouvert de nouvelles perspectives aux cinéastes des décennies suivantes. C’est ainsi que dans les plans-séquence, qui, en dilatant l’espace, apportent aussi un surplus de temps qui n’est pas toujours souhaitable pour la qualité de rythme du film, les monteurs taillent sans états d’âme. « Suivi au steadicam, un personnage s’avance dans la pièce, on raccourcit le travelling, le personnage semble faire un bond, on reprend le plan, on le raccourcit plus loin s’il le faut. Cela fait saut de puce, mais c’est efficace et on ne s’ennuie plus à traverser des espaces inutiles. Cette coupure dans le plan, sans arrêt de caméra mais par un effet de suppression spatiale au montage, qui n’agit que sur le temps, est tout un art, et nécessite un grand savoir-faire qui est en train de s’affirmer, quelques décennies après À bout de souffle! »

C'est Hitchcock qui officialise le jump cut dans la grammaire cinématographique avec les trois plans montés dans l'axe du visage du paysan dont les yeux ont été dévorés par les Oiseaux (1963). https://www.cineclubdecaen.com/cinepho/realisat/depalma/furie/hisfur84.htm
 
De Palma utilise aussi par deux fois les jump-cut dans la scène finale de Furie (1984) : lorsque Gillian voit Childress dont elle a ensanglanté les yeux (quatre plans d'échelles différentes montés dans l'axe du regard) et lorsque, acculée au mur, elle se transforme en démon aux yeux bleus (zoom avant puis trois raccords dans l'axe de plans de plus en plus rapprochés).
https://www.cineclubdecaen.com/cinepho/realisat/depalma/furie/hisfur86.htm

En résumé, l'action doit le justifier, ainsi que l'effet. Les changements d'axes et/ou les déplacements de la caméra et/ou des personnages nous font accepter cet effet. Ou la très forte émotion, qu'il vient souligner.
D'ailleurs, en général, le son vient souder ce qui était disjoint. Sauf chez Godard bien sûr. 


A vous de trouver votre voie!

Le point sur la suite :

A venir...

- deux cours de pratique de l'écrit la semaine prochaine: ayez envoyé d'ici là vos idées de notes d'intention, vous les réécrirez avec mes conseils pour rendre la note d'intention finale le lundi suivant. qui sera notée, donc.

- autre note: le fameux QCM de révision d'Histoire du cinéma.
il aura lieu le 6 avril


et surtout... lavez-vous les mains!

Commentaires

  1. Je viens de poster une réponse sur le cours de mercredi et viens de m'apercevoir que une des réponses était donnée ici, merci d'avoir éclairé la question sur le procédé je ne l'avais pas bien perçu.

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